On le sait : près d’un mariage sur deux se finit par un divorce. Et contrairement aux idées reçues, les seniors sont, eux aussi, concernés par cette tendance. Après une séparation ou la perte de leur conjoint, ils sont de plus en plus nombreux à refaire leur vie. Mais démarrer une nouvelle relation, est-ce vraiment plus facile quand il n’y a plus d’enfants à la maison ? Quelles sont les particularités du remariage tardif et comment bien vivre cette étape de vie ? Décryptage avec Véronique Cayado, Docteure en psychologie spécialiste du vieillissement.
Refaire sa vie à 50 ans : pas toujours un long fleuve tranquille
Il est de plus en plus courant de refaire sa vie alors que l’on a des enfants adultes. Cependant, tout comme les ados, ces derniers peuvent être moins ouverts que prévu à l’idée du remariage de leur parent. L’arrivée d’un nouveau conjoint peut alors réveiller chez eux des comportements surprenants.
Agathe, 65 ans, raconte :
Quand j’ai parlé de mon nouveau compagnon à mes deux enfants trentenaires, ils ont mal réagi. Ils m’ont posé plein de questions, j’avais l’impression de subir un interrogatoire de police. Heureusement que mon ami n’était pas là, j’aurais été très gênée !
Comme l’explique Véronique Cayado : « La famille conserve une dimension clanique. L’arrivée d’un inconnu suscite donc naturellement méfiance et peur de la part des autres membres. Cette réaction instinctive est d’autant plus forte que cela touche ici à la relation à la mère, la figure par excellence de ce qui est à soi. Pour les enfants, il y a donc quelque chose qui se joue en termes de réaction défensive ».
Refaire sa vie quand on est une femme semble d’ailleurs plus difficile à assumer. Peut-être plus que les hommes, elles sont cantonnées à leur rôle maternel. Exister en tant que femme qui manifeste des envies et des désirs est donc plus malvenu, et cela même les femmes en ont généralement conscience. C’est ce que semble montrer une étude sur l’amour après 60 ans menée par APEF en 2023. On y lit que 47 % des femmes de plus de 60 ans ne sont pas du tout confiantes dans le fait de présenter leur nouveau compagnon à leurs enfants. En comparaison, la part des hommes seniors éprouvant ce sentiment est quasi nulle.
Mêmes adultes, certains enfants peuvent donc se montrer très possessifs. Ils sont véritablement bouleversés à l’idée que leur parent ait une vie affective avec un nouveau partenaire. Mais si refaire sa vie peut s’avérer complexe à faire accepter à ses enfants à partir d’un certain âge, c’est aussi en raison de nos représentations du vieillissement. D’un côté, nous avons encore du mal à considérer la vie après 65 ans comme une période de développement et d’expériences nouvelles. A fortiori, quand celles-ci riment avec amour et sexualité. D’un autre côté, poursuit Véronique Cayado, « Les enfants ressentent comme un devoir de protection à l’égard de leurs parents vieillissants. Bien souvent, cela les amène à penser qu’ils sont plus aptes que leurs parents eux-mêmes de décider de ce qui leur convient. »
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Comment présenter son compagnon / sa compagne à ses enfants ?
L’annonce à vos enfants est un moment que vous appréhendez particulièrement et c’est tout à fait normal. Vous voulez donc mettre toutes les chances de votre côté.
Quand présenter son/sa partenaire à ses enfants ? Pour Véronique Cayado, « il n’y a pas forcément de moment idéal, ni de manière de faire qui convienne à tous. Faut-il faire une annonce groupée à ses enfants pour éviter les réactions de jalousie ? Ou plutôt les informer un à un en tenant compte de ce qu’ils vivent, de leur personnalité et de la relation particulière que l’on a avec chacun d’eux ? Quoi que vous fassiez, il se peut que vos proches aient d’abord besoin d’un peu de temps pour accepter votre changement de vie et votre nouveau conjoint. »
Bien qu’il n’y ait pas de recette magique, évitez tout de même de l’inviter comme si de rien n’était à tous les événements familiaux. Il est aussi préférable d’informer vos enfants avant de présenter celui ou celle qui fait partie désormais de votre vie. Ainsi, vous éviterez de le/la confronter aux réactions dubitatives, suspicieuses, voire franchement négatives de vos enfants. De tels comportements de la part de votre progéniture peuvent vous paraître déplacés, voire infantilisants. Vous estimez d’ailleurs (et à juste titre) ne pas avoir de compte à leur rendre concernant votre vie amoureuse. Néanmoins, il vous faudra peut-être jouer de patience en témoignant plus de compréhension que vous n’avez l’impression d’en recevoir.
Pour aborder le sujet en douceur, certains seniors ont l’idée de présenter leur nouvel amoureux comme un ami. Ainsi introduit, on évite la case « annonce grandiloquente » qui oblige quasiment à une réaction de l’entourage. Pour Véronique Cayado : « Généralement les enfants ne sont pas dupes. Ils peuvent comprendre la pudeur de leur parent et la respecter. Le risque toutefois pour le parent est de s’enfermer dans son mensonge. En effet, ce genre d’entorse à la réalité peut faciliter les choses au début mais les compliquer considérablement par la suite. »
Enfin, il arrive parfois, comme dans la série américaine This is us, que le nouveau conjoint ou la nouvelle conjointe soit une personne que vous connaissiez déjà depuis longtemps. Dans ce cas de figure, la communication est plus que jamais essentielle, notamment si vous êtes veuf ou veuve. N’hésitez pas à dire ouvertement à vos enfants qu’il n’y a pas eu de tromperie. Ces derniers doivent comprendre que la nouvelle relation n’entache en rien celle que vous avez eue avec leur parent.
Chacun à sa juste place : un équilibre à trouver
Une fois que la nouvelle compagne ou le nouveau compagnon est intégré dans la famille, se pose la question de la place à lui donner, surtout si vous avez des petits-enfants.
En effet, si ces derniers sont petits, la question du surnom à donner à ce « grand-parent par alliance » peut se poser. Il ne faut froisser ni les parents, ni les grands-parents « de sang ». Pour être sûr de ne pas faire d’impair, discutez-en au préalable avec vos enfants. Vous trouverez sur Internet de nombreuses alternatives aux appellations traditionnelles, des petits surnoms qui sonnent tendre sans heurter qui que ce soit.
Ensuite, comme toujours, la communication sera de mise. Et pour bien communiquer, rien de mieux que d’écouter et observer vos enfants. Recevoir leurs émotions et ne pas les balayer d’un revers de main, quand bien même elles vous apparaitraient futiles ou déplacées, est nécessaire pour désamorcer des conflits en gestation. La communication avec votre conjoint est également importante, car comme dans une relation « classique » de beau-parent à enfant. Il est important de pouvoir lui exprimer ce qu’il ne lui appartient pas de dire ou de faire. Véronique Cayado note que « l’essentiel est de ne pas aller trop vite. Le lien affectif ne se donne pas d’emblée. Cela se construit dans le temps via le partage d’expériences et une confiance acquise au fil des mois et des années. »
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Si la relation se solidifie et donne lieu à un remariage, il faut aussi aborder sans tabou les questions financières. Comment protéger le nouveau conjoint si vous partez en premier ? Comment faire en sorte que les enfants ne se sentent pas lésés ? Autant de questions à aborder tous ensemble, sans précipitation, en vous faisant si besoin conseiller par des experts des questions financières.
Refaire sa vie après 50 ans : racontez-nous !
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