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Christian Chenay, 102 ans, plus vieux médecin de France

— Publié le 28 octobre 2019

Christian Chenay, 102 ans, plus vieux médecin de France

À 102 ans, Christian Chenay est le plus vieux médecin en exercice de France. Dans son cabinet de Chevilly-Larue (94), il continue de recevoir des patients deux demi-journées par semaine. En 2019, Silver Alliance est partie à la rencontre de ce médecin au parcours hors norme.

Né sous une bonne étoile

« Mon père ne voulait pas d’enfant. Ma mère a alors tenté de se faire avorter, mais je me suis accroché à la vie ! C’est peut-être un bon début : ça vous apprend à ne pas stresser » débute le Dr Christian Chenay, le plus vieux médecin en exercice de France, né le 20 juin 1921 à Angers (Maine-et-Loire).

Durant la Seconde Guerre Mondiale, pendant l’occupation de la France par l’Allemagne, son nom figure sur la liste des personnes requises pour le Service du travail obligatoire (STO). « Mes parents voulaient absolument que je parte. C’était la loi. Alors je suis parti mais avec l’intention de fausser compagnie », explique-t-il. Une nuit, il décide donc de sauter du train en marche qui le conduit à Dresde, en Allemagne, ce qui lui vaut une blessure à la jambe dont il garde encore aujourd’hui des séquelles. « Mais j’ai bien fait, poursuit-t-il. Dresde a été complètement détruite en février 1945. Tous ceux qui sont partis ont été tués ».

Le jeune homme revient alors s’installer en France, à Nantes, où il débute des études de médecine qu’il finance grâce à un poste de soudeur sur le chantier naval de Saint-Nazaire. « À l’époque, j’étais porté disparu. J’ai donc passé quatre ans sans pouvoir communiquer avec ma famille alors que je me trouvais pourtant à 80 km d’eux ».

A la Libération, Christian Chenay obtient un poste d’interne en psychiatrie aux hôpitaux de la Seine. Il y côtoie alors le célèbre psychiatre Jacques Lacan. En parallèle, il est assistant à la faculté des sciences en physiologie après un doctorat de sciences. Le jeune homme décide ensuite de partir un an aux Etats-Unis, à Chicago puis à Los Angeles, où il devient chargé de cours en physiologie et se spécialise dans le cerveau et les nerfs. En 1950, il choisit la médecine de ville et pose ses bagages à Athis-Mons, dans l’Essonne, avant de s’installer définitivement à Chevilly-Larue, une commune du Val-de-Marne dans laquelle il exerce depuis 1951.

Premier spectateur de l’évolution de la médecine… et de la société

Installé à Chevilly-Larue depuis 1951, le plus vieux médecin de France a vu au fil des ans la médecine et le comportement des patients évoluer. « Internet a quand même fait de gros dégâts. Aujourd’hui, les patients viennent à mon cabinet après avoir fait des recherches en ligne et me réclament tel ou tel médicament alors qu’ils n’en ont pas besoin. C’est terrible ! » explique-t-il.

Le Dr Chenay constate également la résurgence de certaines maladies comme la tuberculose ou la syphilis, dont les traitements n’existent même plus. « On trouve heureusement des traitements alternatifs, mais ils coûtent dix fois plus chers et marchent moins bien… Cette situation est dramatique, tout comme la pénurie de vaccins. 7 ou 8 enfants sont morts de la rougeole l’année dernière », déplore-t-il.

Christian Chenay

Le doyen des médecins français a également été témoin de la montée de la violence. « Vous savez, les patients qui ne vous payent pas, ce n’est pas grave. Le pire, c’est les hold-up », explique-t-il. Le docteur a été agressé une fois et cambriolé à plusieurs reprises. « Depuis qu’on a installé des caméras de surveillance, on se sent plus en sécurité. Dès qu’il y en a un qui râle, je lui dis « Souris, tu es enregistré » et ça le calme ».

L’auteur du livre Et si la vieillesse n’était pas un naufrage ? Seniors, réveillez-vous ! déplore également la manière dont les personnes âgées sont traitées dans notre société. « J’ai eu comme patient un vieil Africain qui avait 75 ans. Ses enfants l’ont fait venir d’Afrique et ils l’ont laissé là. Ils l’ont déposé dans un foyer sans un sou, sans rien, en lui disant « Papa débrouille toi », explique-t-il. Avant, on gardait les gens chez eux, maintenant on les colle à l’hôpital. On est de plus en plus individualiste ». Il ajoute également : « Aujourd’hui, les personnes âgées ne sont pas toujours bien renseignées et certains en profitent pour les arnaquer… Alors je suis sûr que les organisations, comme Silver Alliance, qui les digeront vers des entreprises sérieuses, ça ne peut que les aider ».

Il y a pas mal de médecins centenaires. L’âgisme, la retraite à 60 ans, c’est une spécialité française.

Malgré toutes ces difficultés et son avancée en âge, le Dr Chenay continue de recevoir ses patients deux demi-journées par semaine, les lundis et les mercredis matin. « Les médecins sont une race en voie de disparition, les infirmières aussi… À Chevilly-Larue, nous sommes trois médecins pour 19 000 habitants et je suis le seul à recevoir sans rendez-vous. Je prends les trente premiers patients qui arrivent. Je continue pour les malades », explique le doyen qui déclare d’ailleurs travailler comme bénévole, puisqu’il gagne aujourd’hui moins que sa femme de ménage de l’heure. Et comme si cela ne lui suffisait pas, le Dr. Chenay se rend également tous les mardis dans une maison de retraite pour soigner d’anciens missionnaires atteints d’Alzheimer, de Parkinson ou de cancers.

Et lorsqu’on lui fait remarquer qu’il n’est pas loin d’être le plus vieux médecin du monde, l’infatigable docteur réplique : « Non, il y a pas mal de médecins centenaires. L’âgisme, la retraite à 60 ans, c’est une spécialité française. Aux Etats-Unis, le problème ne se pose pas, en Allemagne non plus, et encore moins au Japon ».

Anecdote surprenante : le Dr Christian Chenay a même vu l’un de ses fils, avec qui il a travaillé pendant 37 ans, partir à la retraite avant lui à l’âge de 65 ans !

Les secrets de sa longévité

« J’ai remarqué que tous les centenaires qui sont encore en bon état ont eu une vie très agitée, très compliquée, mais qu’ils sont tous parvenus à surmonter leur stress », explique le médecin qui prend la vie comme elle vient et relativise beaucoup : « Aujourd’hui, c’est aujourd’hui, et demain, ce sera demain ».

Toutefois, pour arriver en bonne santé à 65 ans, le Dr Chenay, qui avoue ne pas avoir dû consommer plus d’une boîte de doliprane dans toute sa vie (fait étonnant pour un médecin !), encourage ses patients à respecter quelques règles d’hygiène de vie : suivre un régime méditerranéen, ne pas fumer, pratiquer une activité… mais surtout ne jamais s’arrêter ! « Je me suis rendu compte que lorsque les personnes âgées arrivent en maison de retraite, elles sont rapidement prises dans leur traintrain quotidien « on se lève à telle heure, on mange à telle heure, on participe à la journée loto… » et elles s’abrutissent très vite ! ».

Christian Chenay

D’ailleurs, il vaut mieux selon lui « finir ses jours chez soi qu’à l’hôpital […] Vous savez, il suffit parfois de mettre en place de petites choses pour pouvoir rester à domicile ». Ce bricoleur explique par exemple avoir réalisé lui-même quelques aménagements simples, comme l’installation d’une main courante dans l’escalier, pour rendre son logement plus confortable.

Mais finalement « être bien accompagné, c’est plus important que le reste » confie le doyen des médecins français qui partage depuis dix-sept ans sa vie avec Suzanne, une Vietnamienne septuagénaire, qu’il a épousé à l’âge de 91 ans. « Cela fait 17 ans qu’on est ensemble et ce sont les 17 meilleures années de ma vie ».

Un dernier conseil pour la route ? « Je conseille aux jeunes de rester jeune jusqu’à un âge avancé ! » conclut en souriant le plus vieux médecin de France.

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1 Commentaire
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Senac
1 année il y a

J’ai eu le même parcours pendant la guerre, je serais heureux d’entrer en contact avec ce médecin. Je suis né le 13 octobre 1922