Environ deux tiers des enfants de moins de six ans sont gardés au moins occasionnellement par leurs grands-parents selon une étude de la Drees(1). Sorties d’école, mercredis, vacances scolaires… Les grands-parents sont souvent appelés à la rescousse. Toutefois, s’occuper des tout-petits n’est pas de tout repos et les grands-parents peuvent avoir envie de souffler. Mal comprise, cette décision peut alors entraîner des conflits ou des malentendus avec leurs enfants. Comment exprimer ses limites sans créer d’incident diplomatique ? Les réponses de Véronique Cayado, Docteure en psychologie spécialiste du vieillissement.
Grand-parents, corvéables à merci ?
Être grand-parent est un rôle précieux. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faut être disponible à toute heure du jour et de la nuit pour garder ses petits-enfants. La disponibilité des grands-parents peut dépendre de différents facteurs. Citons notamment la distance entre leur domicile et celui de leurs enfants, leur état de santé, des rendez-vous administratifs. L’entourage accepte généralement bien ces impondérables. Là où les choses se corsent, c’est lorsque le motif de refus relève d’un choix personnel : des vacances, une activité de loisir, un moment entre amis ou tout simplement l’envie d’être tranquille chez soi sans enfants !
Les grands-parents qui vivent tout près de leur famille sont généralement les plus concernés. Toutefois, tous peuvent être confrontés à cette situation délicate lors des vacances scolaires. D’après l’Observatoire E. Leclerc des Nouvelles Consommations, 68 % des grands-parents accueillent leurs petits-enfants durant les vacances scolaires. Ils le font, qui plus est, pour une durée non négligeable (28 jours par an en moyenne). Et pour au moins 56 % d’entre eux, ce n’est pas d’un mais de deux enfants ou plus dont il faut prendre soin.(2)
Pourquoi le refus de garder ses petits-enfants pose-t-il problème ?
Lorsque le grand-parent refuse de garder ses petits-enfants, cela peut être vécu comme une trahison ou un abandon. En effet, on est beaucoup plus exigeant envers ses proches. Ainsi, une réponse factuelle (« non désolée, je ne suis pas disponible ») apparaît comme un manque, une absence de l’être cher.. En effet, pour peu que le grand-parent ait insisté par le passé pour recevoir des nouvelles de ses petits-enfants ou encore pour s’impliquer dans les choix éducatifs, le fait de ne plus vouloir les garder paraît incohérent. Les enfants ont l’impression que les grands-parents sont égoïstes, prêts à ne s’impliquer que quand cela leur chante.
De même, le refus de garder ses petits-enfants met parfois en lumière les divergences d’opinions éducatives. En effet, certains grands-parents ne veulent pas garder leurs petits-enfants car c’est épuisant. Au-delà des enfants parfois turbulents, s’occuper d’enfants du lever au coucher, c’est prenant, exigeant. Et on ne voit jamais vraiment ses parents vieillir. On ne prend donc pas forcément la mesure de ce qu’on exige d’eux. Par ailleurs, dans certains cas, notamment quand toute la famille vit à proximité, les grands-parents ont le sentiment de devenir le mode de garde principal. S’ils doivent garder leurs petits-enfants tous les jours de la semaine, à horaires fixes, cela peut devenir une contrainte. Or, ils se trouvent à un stade de leur vie où ils aimeraient retrouver plus de temps libre.
Enfin, certains enfants, devenus adultes et parents à leur tour, ont du mal à reconnaître que leurs propres parents ne sont pas que des grands-parents. Ils peuvent avoir des engagements autres, des envies de vivre des choses en dehors de leur rôle de grand-parent. Comme l’explique Véronique Cayado, Docteure en psychologie spécialiste du vieillissement : « D’un côté, il n’y a rien d’anormal à cela. Le soutien inconditionnel du parent à l’égard de son enfant est important pour son développement. En devenant adulte, on ne se départ pas complètement de ce besoin. Alors oui, on apprend que nos parents sont faillibles. Pourtant, on attend toujours d’eux qu’ils répondent à nos demandes par une présence indéfectible. D’un autre côté, nos représentations sociales des personnes âgées font que nous avons du mal à les penser autrement qu’en dehors de l’image idéalisée du grand-parent gâteau ou de celle dépréciée de la personne âgée dépendante ».
Se protéger sans créer de conflits
Vous l’aurez compris : pour faire respecter vos limites sans créer de conflit, il est crucial d’apprendre à dire « non » de manière ferme, mais respectueuse. Si vous vous reconnaissez dans cet article, voici quelques conseils pour exprimer votre refus sans offenser vos enfants.
Soyez honnête et clair
Lorsque vous refusez de garder vos petits-enfants, soyez honnête quant à la raison de votre refus. Expliquez calmement et de manière objective pourquoi vous ne pouvez pas assumer cette responsabilité à ce moment-là. Inutile de vous justifier : vous avez déjà pris un engagement, un point c’est tout.
Si vous avez un cours d’aquagym, inutile de prétexter un rendez-vous médical… pour vous retrouver nez à nez avec toute la famille à la piscine ! En d’autres termes, faites toujours le choix de la transparence. Si vous êtes pris la main dans le sac, la situation pourrait s’envenimer.
Ne culpabilisez pas
Lorsque l’on se fait traiter d’« égoïste » par ses propres enfants, on va avoir tendance à être sur la défensive. Pour peu que l’on soit un grand-parent très impliqué, cette accusation peut toucher une corde sensible et être particulièrement blessante. Il faut absolument vous déculpabiliser : vos petits-enfants ne sont pas votre responsabilité, en tout cas pas à tout moment. Bien sûr, votre amour et votre envie de rendre service à vos enfants constituent une aide particulièrement précieuse pour ces derniers. Cependant, ce n’est en rien un dû que votre famille peut vous réclamer.
Vous avez le droit d’être en colère si vos enfants vous amènent vos petits-enfants à l’improviste. Mis au pied du mur, il vous est alors très difficile d’exprimer un refus au risque qu’il ne passe pour un rejet de vos petits-enfants. Or ce n’est pas le cas. Même si vous comprenez le désarroi des parents qui font face à un besoin de garde urgent, votre propre désarroi est aussi à prendre en considération. « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour » dit à juste titre le proverbe, mais cela ne doit pas être à sens unique. C’est dans la considération réciproque des uns et des autres et des limites de chacun que se construisent les relations familiales.
Choisissez la voie du compromis
Montrez à vos enfants que vous êtes prêt à les soutenir d’une autre manière. Par exemple, si vous ne voulez pas garder vos petits-enfants, vous pouvez aider vos enfants à chercher, voire même à financer un autre mode de garde si votre pouvoir d’achat vous le permet. Sachez, par exemple, qu’il est possible pour les grands-parents de faire appel à une nounou O2 à domicile pour faire garder leurs petits-enfants.
En outre, si les parents ont l’impression que vous les laissez sur le carreau à un moment stressant (par exemple en pleine période scolaire), cela peut envenimer la situation. Pour apaiser les choses, nous vous conseillons d’aborder le sujet bien en amont, pendant les vacances scolaires par exemple. Vous pourrez ainsi établir un planning et choisir bien à l’avance les jours auxquels vous garderez les enfants.
Réaffirmez votre amour et votre soutien
Pour finir, pensez à rappeler régulièrement à vos enfants que vous les aimez et que vous aimez passer du temps avec vos petits-enfants. Ils le savent, mais on ne le dit jamais assez ! Assurez-leur que votre refus de garder les enfants n’affecte en rien votre affection pour eux et que vous êtes toujours là pour les soutenir dans d’autres aspects de leur vie. De même, en cas d’urgence, faites-leur savoir qu’ils pourront toujours compter sur vous.
Et vous, gardez-vous régulièrement vos petits-enfants ?
(1) Source : Dress, « Les grands-parents : un mode de garde régulier ou occasionnel pour deux tiers des jeunes enfants », juin 2018.
(2) Source : Observatoire des Nouvelles Consommations, « Prendre soin de ses petits-enfants », avril 2019.