La relation entre une belle-mère et sa belle-fille est loin d’être un long fleuve tranquille. Du moins, c’est ce que semblent nous suggérer les romans, les films ou encore les séries. Bref, la société dans son ensemble semble avoir intégré l’idée que l’entente entre ces deux membres d’une même famille est difficile, voire impossible. Est-ce une réalité ou un cliché qui a la vie dure ? Pourquoi les relations belle-mère / belle-fille sont-elles parfois si complexes ? Décryptage avec Véronique Cayado, Docteure en psychologie.
La relation belle-mère / belle-fille, unique en son genre
Lors de la première rencontre entre une belle-mère et sa future bru, les appréhensions sont nombreuses des deux côtés. En effet, cette rencontre revêt bien des enjeux. Si l’on caricature, la belle-fille craint généralement de découvrir une belle-mère possessive, jalouse, intrusive, refusant de laisser partir son (grand !) garçon. De son côté, la belle-mère peut avoir peur que sa belle-fille l’éloigne de son fils, perdant ainsi le lien si particulier qui les unissait.
À la source de ces appréhensions, une angoisse bien réelle, présente chez tous les parents : celle de voir son enfant grandir. En effet, le fait qu’un enfant noue une relation amoureuse est un signe indéniable de son émancipation, de sa construction en tant qu’individu, hors du noyau familial. Il s’agit d’un moment-clé qui peut déclencher de nouvelles fragilités et faire ressortir des traits de personnalité peu reluisants. Pour certaines mères, mais aussi certains pères, il est parfois difficile de « couper le cordon ». Il va alors leur falloir un temps d’adaptation pour s’habituer à la présence de la conjointe (ou du conjoint) de leur enfant.
Comme l’explique notre experte Véronique Cayado : « Pendant longtemps (et dans beaucoup de cultures encore), un fils avait plus de valeur. Ainsi, une mère pouvait avoir tendance à davantage investir psychologiquement cet enfant, donnant à la relation belle-mère/belle-fille une coloration particulière. De plus, une nouvelle union signifiait pour la femme de devoir quitter le domicile de ses parents. Elle venait vivre dans la demeure familiale de son conjoint. Ce vivre-ensemble contraint a sûrement alimenté l’image conflictuelle qu’on peut avoir de la relation belle-mère/belle-fille, d’autant plus que la belle-fille constituait alors une main d’œuvre bienvenue. »
Si les choses ont désormais changé, certaines composantes sont toujours d’actualité : « Cela étant, cela reste une relation non choisie de part et d’autre. Et dans ce premier temps de la relation qui se construit, il peut se jouer effectivement des jeux de places. Ils peuvent même prendre des allures de rapports de force. Mais c’est tout à fait normal. Tout changement dans l’écosystème familial chamboule les places de chacun. Pour une femme qui assied son identité sur son rôle de mère (c’est cela qui la définit toute entière et qui donne sens à sa vie), l’arrivée d’une belle-fille sera plus bouleversante. Pour une autre qui attend avec impatience de devenir grand-mère, il sera plus facile pour elle d’accepter sa belle-fille. En effet, celle-ci aura déjà une place dans ses projets d’avenir. »
Belle-mère / belle-fille : tout les oppose ?
Entre les belles-mères et leurs belles-filles s’ajoute l’idée intemporelle de la rivalité féminine. Cette rivalité est générée par des stéréotypes sexistes, dans lesquels nous sommes tous bercés depuis l’enfance. En tête de ces clichés, il y a notamment l’idée que les femmes (la mère comme la compagne) auraient le même rôle : celui de materner l’homme. À elles de prendre toutes les décisions concernant son bien-être, celui des enfants, l’organisation du foyer… Dès lors, pas étonnant qu’une sorte de compétition puisse se créer dans les esprits. D’ailleurs, c’est parfois l’homme qui nourrit, malgré lui, ce conflit, en mettant sa mère sur un piédestal. À ses yeux, elle est incritiquable, tout ce qu’elle dit est parole d’évangile.
La rivalité peut aussi être alimentée par des décalages générationnels entre belle-mère et belle-fille, qui ne partagent pas la même vision des choses en matière d’éducation des enfants, de modes de vie… Entre le débat et les tensions, il n’y a qu’un pas ! Mais là encore, les choses sont souvent plus complexes qu’il n’y paraît : le fils peut se cacher derrière sa compagne pour ne pas avoir à assumer sa propre prise de distance avec l’histoire familiale ; ou à l’inverse sa mère peut projeter sur la nouvelle venue ce qu’elle ne peut voir chez lui tant elle s’est forgée une image idéalisée de son fils.
Pour Véronique Cayado, « En tant que parent, on projette forcément des choses sur notre enfant, des choses qui s’enracinent avant même sa naissance et qui touchent à quelque chose de très intime chez nous. La plupart du temps, nous n’en avons même pas conscience. La manière dont une mère met en récit son fils, ce qu’elle projette pour lui comme vie professionnelle, comme vie familiale, tout ceci peut être remis en question par son choix de couple. Cette mère qui rêvait d’autre chose pour son fils, le rêvait certainement plus pour elle que pour lui. Néanmoins, cela peut prendre la forme d’un deuil quand l’écart est immense. Le deuil d’un certain pan de son histoire, une autre religion, un autre mode de vie, d’autres valeurs… »
Pas plus qu’on ne choisit sa famille, on ne choisit pas sa belle-mère ou sa belle-fille. Cela n’empêche pas de belles rencontres. Certaines vont créer des liens d’attachement profonds, qui pourront même perdurer à la séparation du couple. Chez d’autres, le sentiment d’étrangeté sera la trame de leurs rapports sans pour autant empêcher la maille d’ensemble de tenir lieu de famille.
Lire aussi : Grands-parents, petits-enfants, quels liens ? | Silver Alliance
Belle-mère et belle-fille : du conflit à l’amour
Vous l’aurez compris : si les relations belle-mère/belle-fille peuvent parfois être tendues, ce n’est pas une fatalité ! Dans la plupart des cas, elles sont au beau fixe. Même si certaines périodes de la vie réactivent des tensions (naissances des petits-enfants, mariage…), le lien belle-mère/belle-fille est finalement une relation humaine comme une autre. En d’autres termes, elle se travaille sur le long terme, avec de l’écoute et de la communication.
En prenant conscience de tous les points de vulnérabilité qui sous-tendent le conflit, on peut parvenir à le désamorcer et à (re)trouver une relation plus apaisée. Ainsi, il est important de choisir ses mots soigneusement et de faire preuve de délicatesse. L’idéal est d’apprendre à exprimer sincèrement ses ressentis, plutôt que de faire des reproches. On peut dire par exemple, à sa belle-fille : « J’ai l’impression de ne plus passer de moments privilégiés avec mon fils » ; « j’ai envie de t’aider et ça me blesse que tu n’acceptes pas mon aide ». En tout cas, la règle d’or est de ne surtout pas chercher à créer des conflits dans le couple de son enfant ! On risque de créer de la rancœur et de détériorer la relation qu’on avait avec lui, parfois irrémédiablement.
Par ailleurs, le fils et conjoint a un rôle essentiel à jouer. À lui, notamment, de rassurer sa mère sur l’affection qu’il lui porte. Il doit aussi mettre des limites en cas de remarque blessante ou d’intrusivité excessive. Il est également essentiel qu’il fasse entendre ses opinions, sans se laisser influencer.
Laissons à Véronique Cayado le mot de la fin : « Accepter le ou la partenaire de son enfant, c’est reconnaître ses choix personnels, les accepter et leur donner de la valeur. C’est aussi lui faire confiance et ne pas prévaloir que l’on sait mieux que lui ce qui serait bon pour lui. En somme, c’est accepter qu’il soit un être autonome, un autre que soi, qui construit sa route “bon an mal an”. En tant que parent, on fait partie de l’histoire, mais on ne peut pas rejouer sa propre histoire à travers ses enfants. On prend le train en marche, et qui sait, il peut nous conduire vers de belles aventures ! »
Bons conseils merci…
Si le feeling ne passe pas
Que faire ne pas se voir du moins le moins possible.
Et dire à sa belle fille que l on sent que la relation ne passe pas!