Depuis le début de l’épidémie du Covid-19, l’attention est légitimement portée sur la situation des personnes âgées à l’hôpital et dans les EHPAD. Pourtant, 94,5 % des 65 ans et plus vivent à leur domicile où ils ne sont pas protégés pour autant. C’est « l’effet iceberg » mis en lumière par l’Observatoire ERGOCALL dans sa récente étude réalisée en partenariat avec AG2R La Mondiale.
Réalisé auprès de 2 000 personnes âgées de 65 ans et plus, l’étude de l’Observatoire ERGOCALL révèle que 41 % des seniors interrogés n’ont reçu aucune visite au cours des deux derniers mois, se retrouvant ainsi isolés de la sphère sociétale. Cependant, les risques auxquels ils sont potentiellement confrontés sont bien réels. Citons par exemple les chutes au sein du domicile, le non-respect du confinement pour rompre l’isolement et la solitude et la dégradation de l’état de santé psychique.
« La pandémie de Covid-19 affecte particulièrement les seniors qui subissent un double impact sanitaire et social. En France, ils représentent 20 % de la population, soit 12,5 millions de personnes. Nous savons qu’il y aura plus de décès à domicile demain qu’il n’y en a en EHPAD aujourd’hui. Les politiques de prévention à destination des seniors à domicile seront, de fait, déterminantes pour l’avenir de notre pays » alerte Alexandre Petit, Président d’ALOGIA Groupe et co-fondateur d’ERGOCALL, plateforme nationale dédiée à la protection des seniors isolés à domicile.
Un confinement partiel pour les seniors à domicile
Le premier constat de l’étude « 12,5 millions de seniors potentiellement en danger à domicile ? » révèle que la majorité des seniors ont une définition du confinement souvent floue.
En effet, si 75 % des seniors interrogés disent respecter les consignes de confinement, ils sont pourtant 68 % à déclarer sortir plusieurs fois par semaine, notamment pour faire leurs courses (55 %) mais aussi pour se changer les idées et sortir de l’enfermement (13 %). Une situation qui peut s’expliquer par le fait que 85 % des personnes âgées contactées vivent seules, 50 % reçoivent moins de visites qu’avant le confinement et 41 % ne voient plus personne.
« La notion de confinement semble floue pour les populations les plus âgées : on se demande si les sorties de premières nécessités ne recouvrent pas en réalité un besoin de relation sociale. Cela met en lumière le problème de l’isolement pendant le confinement », explique le Dr Pierre Bismuth, Médecin généraliste et Médecin expert.
Un isolement encore plus grand
Habitués à recevoir la visite des membres de leur famille ou de professionnels soignants, les seniors sont aujourd’hui encore plus isolés : 57 % n’ont pas d’aide de professionnels à domicile et 34 % ont vu leurs interventions diminuées ou supprimées, comme l’illustre l’infographie de l’étude ERGOCALL.
De plus, le confinement a un impact sur leur état de santé psychique. En effet, 56 % des personnes âgées interrogées se disent angoissées et redoutent le prolongement du confinement.
« D’une part, on observe une dimension anxiogène très présente : les personnes âgées ont peur de contracter le virus et d’en mourir. D’autre part, on constate un effet dépressogène dû au prolongement de la durée de confinement : la perspective de revoir leurs proches, de sortir à nouveau et de retrouver une vie normale s’est évaporée. Le confinement aura des impacts psychiques majeurs et durables », déplore le Dr Jeoffrey Carpentier, psychiatre spécialisé dans l’expertise des troubles post-traumatiques.
Le domicile lieu de tous les risques
Le domicile est un terrain familier et de confiance pour les seniors. 93 % des personnes interrogées déclarent en effet ne pas se sentir en danger dans leur logement.
Pourtant, entre difficultés physiques et solitude entraînant une baisse des capacités cognitives, le risque de chutes et d’accidents domestiques est considérablement aggravé : 59 % des seniors ont des difficultés physiques, 44 % éprouvent des difficultés pour accéder à leur logement, 38 % ont chuté récemment et 77 % d’entre eux indiquent que cela s’est passé au sein de leur logement.
« La chute est une des premières portes d’entrée dans la dépendance. Risque important entrainant une dégradation phénoménale, c’est la première cause de mortalité chez les seniors. Isolés, ils y sont particulièrement exposés, et ce d’autant plus que la solitude engendre une baisse des capacités cognitives, seconde porte d’entrée dans la dépendance », précise le Dr Jérôme Marty, Médecin gériatre et Président du syndicat de l’Union française pour une Médecine Libre.
Le domicile alors perçu comme sécurisé devient, dès lors, le lieu de tous les dangers. Une situation qui à court et moyen terme pourrait mobiliser massivement le système de santé, déjà épuisé.